Le coaching d’une équipe technique est assez difficile pour deux raisons :

Alors, comment fait-on pour créer de la valeur tout de même, et parvenir à tendre le miroir à l’équipe quand on comprend très peu de choses à ce qu’elle dit ? C’est ce que nous allons voir à travers quelques exemples d’une matinée de coaching d’une équipe technique, en l’occurrence, un Codir d’usine dans l’industrie pharmaceutique de pointe, qui doit simplifier ses processus industriels pour pouvoir assumer de nouvelles lignes de produit sans augmenter ses effectifs.

N’écouter que le processus…

On dit souvent qu’un coach écoute les processus plus que les contenus, qu’il coache la petite musique du client à partir de la mélodie plutôt qu’à partir des paroles de la chanson, qu’il n’a pas besoin de comprendre le problème de son client pour l’aider à en sortir, etc… (voir à ce sujet nos précédents articles : « Fonction miroir et position basse« , et « Orientation solutions« ) Et, évidemment c’est un peu exagéré, car un coach qui ne comprendrait RIEN-DU-TOUT… aurait tout de même plus de mal que s’il comprenait à peu près de quoi parle l’équipe !!!

Néanmoins dans le cas du coaching d’une équipe technique (une équipe DSI, un Comité de Direction d’usine, les associés d’un grand cabinet d’experts comptables, un Codir supply de grand groupe, etc…), le coach peut parfois ne presque rien comprendre à ce dont parlent ses clients. C’est une réalité, qu’il le veuille ou non : il n’a tout simplement pas le niveau de compétence technique pour suivre ses clients dans leur conversation. Mais ce n’est pas un gros handicap pour faire ce qu’il a à faire (à condition d’être bien clair là-dessus, autant avec le client que vis-à-vis de soi-même. Et je peux vous dire que cela fait un beau sujet de supervision pour plusieurs de mes clients coachs 🙂

Quand on y comprend rien…

Voici quelques mots pris à la volée pendant 1/2 heure de conversation il y a quelques jours, en séminaire :

Bien que vous compreniez peut-être quelques mots, si vous n’êtes pas né de la dernière pluie et avez un peu d’expérience dans divers domaines (comme « Lean management » ou « RACI », ou encore « traitement des datas »), vous ne savez en fait même pas trop de quoi il s’agit dans la situation présente. Et il est de toutes façons très difficile ne serait-ce que de suivre la conversation, parce qu’elle est criblée de mots et de concepts de la sorte, dont vous ignorez la signification. Des fois ce sont des noms de produits, ou de progiciels maison, ou de documents internes, ou des expressions techniques liées à un aspect scientifique de leur métier (du moins c’est ce que vous supposez). Ce qui est sûr c’est que l’attention est est aussi difficile à soutenir que si vous deviez écouter attentivement une conversation d’une journée entière dont 1/3 des mots proviendraient d’une langue totalement étrangère… Et si vous étiez en présence d’une équipe supply, par exemple, dîtes-vous bien que ce serait encore pire. Il y a dans ces métiers, des sous-métiers dont vous ignorez totalement jusqu’à l’existence (la mise en marché, les appros, les datas, le copacking, le planning, l’ordonnancement, l’affrétement, pour n’en citer que quelques uns…). Et ces métiers sont bardés d’indicateurs spécifiques, auxquels il est fait sans cesse référence au travers de toutes sortes d’acronymes poétiques… Il y a de fortes chances pour que vous vous sentiez très vite complètement largué (cela m’arrive à chaque fois !)… à moins d’avoir eu une vie de logisticien avant de devenir coach ? Mais dans ce cas-là, vous n’avez peut-être pas été aussi DSI chez un gros éditeur de logiciel, et responsable de la qualité-hygiène-sécurité dans un groupe industriel, et contrôleur des risques dans une banque, et directeur d’unité d’investigation scientifique dans un laboratoire de recherche, etc… Or vous serez infailliblement amené à coacher des telles équipes de spécialistes, qui auront leur jargon, leur logique, leurs acronymes, et qui ne soupçonneront pas un instant que 30% des mots qu’ils utilisent entre eux vous sont parfaitement inconnus.

Le plus difficile…

Le plus difficile pour un coach qui accompagne une équipe qui passe toute une journée à mettre à plat des processus, c’est de :

Et si c'était le moment pour vous lancer ?

Vérifier si vous êtes bien fait pour les métiers du coaching ? En savoir plus sur la certification RNCP ? Connaître les programmes de formation à votre disposition ? Choisir la bonne école ? Parlons-en 1/2 heure par téléphone si vous voulez...

Allez hop, c'est parti !

Le sens de la synthèse pour capter les grandes lignes

Dans l’exemple que je vais prendre pour illustrer ce qu’on peut faire comme coaching dans un cas comme ça, j’avais compris les grandes lignes du brief du CEO du site. Une usine dans l’industrie pharmaceutique de pointe doit simplifier ses processus industriels pour pouvoir assumer de nouvelles lignes de produit sans augmenter ses effectifs. Jusque là, vous arrivez à suivre, et moi aussi. Et voici quelle était mon impression sur le groupe qu’on se proposait de me confier : Le noyau de pilotage de la réorganisation de l’usine, constitué uniquement des principaux patrons de services techniques pourra sans nul doute trouver des gisements de productivité, mais en admettant qu’ils tombent facilement d’accord (ce qui n’est pas gagné d’avance), ils ne savent pas conduire le changement, et ne sont pas forcément tous conscients qu’ils n’ont pas encore cette compétence. Il faut donc les accompagner pour :

  1. qu’ils soient efficaces dans leurs échanges et bien alignés entre eux dans leurs recommandations au CEO
  2. qu’ils conçoivent un plan de communication et de management stratégique de la transformation de la culture et des mentalités, afin que les nouveaux comportements attendus par la nouvelle organisation aient une chance d’être adoptés par l’ensemble du personnel de l’usine
  3. qu’ils se tiennent solidaires les uns des autres pendant tout le déploiement du projet de transformation, et exemplaires eux-mêmes de la nouvelle mentalité à instiller auprès du personnel encadrant et ouvrier

C’est ce que je propose au CEO, en lui formulant l’option suivante, pour démarrer tout de suite par du concret : « Je viens coacher cette équipe en réunion pendant deux heures, avec l’objectif d’avancer tout de suite sur deux effets : y voir clair sur le projet et mobiliser l’équipe. Au bout de deux heures, je saurai vous faire une proposition plus intelligente qu’aujourd’hui. Et selon nos ressentis, vous choisirez de poursuivre avec moi ou de ne pas aller plus loin. Mais, vous pourrez le faire en connaissance de cause, sur la base d’un échantillon de coaching représentatif de ce que pourrait être la suite… » Un rendez-vous de travail avec l’équipe est donc pris pour dans une quinzaine de jours, car les échéances du projet sont ambitieuses.

Une proposition un peu en aveugle

Je propose donc de rencontrer l’équipe de pilotage pour une première séance de travail, à la fois pour :

Après un bref tout de table de présentations, je propose à l’équipe de répondre aux questions suivantes :

Là je prends une posture de faciliter et de catalyseur, me mets au paper board, à noter les idées clés, à faire des schémas pour reformuler leurs inputs. Nous co-construisons ainsi assez vite une vision qui semble intéresser et satisfaire le groupe, tandis que la relation un peu fraîche au début semble se réchauffer. A l’issue d’un travail d’1h30, on peut ainsi reformuler les éléments suivants :  » Dans le cadre de la fluidification de votre organisation, une équipe projet (Dir opérations, Dir qualité, Dir support , Dir services techniques)  a pour mission de trouver des gisements de temps et de productivité, à dédier à de nouvelles activités  gratifiantes pour le site (venant s’ajouter aux précédentes, sans allouer de nouvelles ressources).

Cette équipe aura besoin d’être épaulée pour anticiper et résoudre les résistances au changement, auxquelles ne manqueront pas d’être exposés les projets d’optimisation du fonctionnement. En plus du contenu du plan d’optimisation, elle doit construire pour la fin d’année un plan de mobilisation, pour embarquer une petite centaine de collaborateurs directement impliqués par les différents changements à venir (changements de process et de comportements, mais aussi changements de posture et d’attitude par rapport à la nouveauté et à la remise en question). » Et je propose le dispositif suivant, qui est accepté par l’équipe et le donneur d’ordres : Faire produire à l’équipe de pilotage, en trois jours de temps répartis sur un mois et demi, un double plan (plan d’optimisation et de réorganisation + plan de mobilisation et de management des équipes pour déployer les actions de changement)

Comme vous pouvez vous en rendre compte : la proposition n’a rien d’exceptionnel, elle reste généraliste et empreinte de bon sens premier. Je ne fais que reprendre à chaud des idées évoquées par le groupe en séance, en les mettant dans un certain ordre, qui paraît logique au groupe et à moi-même. Je vérifie que cela leur convient, tout en précisant que rien ne dit que cette structure pourra être déployée ainsi, car dès les premiers travaux des raccourcis et des rallonges ne manqueront pas d’apparaître… Cette dernière remarque fait sourire les plus anciens, qui voient très bien de quoi je parle, et cela semble nourrir un début de complicité entre nous.

La première journée d’un coaching d’une équipe technique

N’ayant pas encore d’alliance avec les personnes de l’équipe, et encore moins de compétence pour leur proposer un agenda pertinent, ne sachant même pas trop par quoi commencer, je décide de contacter le chef de projet pour lui demander comment il voit la journée, et quel agenda lui paraitrait le plus réaliste. Celui-ci me répond par mail, tardivement la veille du séminaire. Et sans plus de brief et de préparation, nous voici un beau matin dans une salle de réunion pour la première journée. A ce stade j’évite de leur faire perdre du temps avec des « papouilles » de coach, et des inclusions d’animateur de team building (voir : « warm-up » et « ice-breaker« ), préférant leur laisser tout de suite le terrain, pour qu’il se jettent dans le sujet qui les met sous pression positive.

Je commence néanmoins par faire valider au groupe que l’agenda proposé par le chef de projet leur paraît bien aligné avec l’objectif. On y passe 10 minutes (histoire de vérifier qu’il n’y a pas de ressentiment à ce qu’on parte sur sa proposition, qui pourrait très bien ne pas faire forcément l’unanimité). Cette logique étant acceptée, nous commençons… et les débats vont tout de suite bon train ! NB : un participant m’a quand même fait remarquer que pour cet agenda, je ne m’étais pas trop « cassé la boule », en me contentant de le faire faire au chef de projet… (il aurait peut-être préféré que je lui demande à lui 🙂

Je comprends son point de vue, mais n’y réponds que par un sourire. Que sait-il de ma « place » justement, et de ce que je suis venu créer comme valeur pour eux ? Plutôt que de le lui expliquer en me justifiant, je vais plutôt  le lui montrer, en poursuivant ce coaching. Après tout faire bosser l’équipe, c’est pour cela qu’on me paye ! Alors j’y vais carrément.

Exemples d’intervention dans un coaching d’une équipe technique

Comme vous probablement si vous aviez été à ma place, je ne comprends évidemment pas grand chose à leurs propos, et me demande comment créer de la valeur pour ces personnes, qui ont l’air de bien avancer toutes seules sur leur sujet, qu’elles semblent bien maîtriser, tout en semblant également assez bien s’entendre entre elles…

L’objet des antagonismes étant ainsi clarifié et localisé, l’idée vient à un  participant de formuler une proposition de compromis, qui recueille tous les suffrages. Nous le reformulons, et l’explicitions pour nous assurer d’être bien tous alignés avec cette option… La résolution du débat qui s’était enlisé pendant une heure, aura pris 10 minutes. Et l’idée qui nous sauve émane d’une personne que j’avais suggéré au CEO de rajouter au comité de pilotage, dont je pressentais qu’il risquait de se bloquer par moments.

Les petits ruisseaux font les grandes rivières

Ces exemples d’interventions sont par eux-mêmes minuscules, mais ce sont eux qui, dans leur combinaison et leur enchainement, assurent discrètement à la fois la fluidité et la consistance de la journée. Le soir quand le CEO vient prendre connaissance des avancées des travaux de ses collaborateurs, il ne reste plus qu’à valoriser ceux-ci, en ayant pris soin de faire préparer un récapitulatif propre, à lui présenter… (pour ne pas risquer d’être retoqués à cause d’une présentation confuse ou insuffisamment impactante et argumentée).

Ce dernier se dit favorablement impressionné par le choix des idées retenues, l’état d’avancement de la réflexion qui a déjà couvert une bonne partie du sujet, et par l’alignement qu’il constate entre les membres du groupe. Evidemment ce n’est que le début. La prochaine fois, ils seront une quinzaine à embarquer : les 5 de ce jour et une dizaine d’alliés de la démarche, qu’il va falloir faire monter dans le bateau, en les associant à la réflexion. Entre temps, il y aura eu des groupes de travail, que nous avons savamment composés dans la journée, et qui devront réaliser chacun un gros travail en l’espace de trois réunions, dont ‘il faudra agréger les recommandations tous ensemble…

Nous avons pris soin de préparer l’agenda de leur 3 réunions à venir, et de les planifier. Franchement, le coaching d’une équipe technique sur des sujets pointus est quand même plus « sportif » et difficile que de faire faire des activités team building à une équipe en constitution, ce qui fait également partie du job de coaching d’une équipe technique. En fait, pour réussir une telle journée, il faut à la fois :

Ce sont ces savoir faire, ces tours de mains « experts », et ce travail en finesse sur la posture, auxquels nous vous entrainons dans la formation au coaching d’équipe.

Les erreurs à ne pas commettre

Déjà que votre légitimité n’est pas acquise vis-à-vis de clients qui ne jugent que par la technique (sinon ils auraient choisi un autre métier, comme coach par exemple !), vous ne devez surtout pas commettre les erreurs suivantes, qu’on voit beaucoup faire par des débutants et des moins débutants… :

Pour réussir le coaching d’une équipe technique, il faut non seulement du charisme et un bon relationnel, mais aussi de l’à-propos et de l’intelligence de situation. Vous devez être capable de comprendre malgré tout de quoi ils parlent et quels en sont les enjeux sous-jacents. Vous devez sentir les jeux de pouvoir et percevoir l’émergence des résistances et phénomènes de groupe. Il ne faut donc pas dormir au fond du wagon, sous prétexte que leur travail n’est pas le vôtre. Il faut être sur le pont à 200%, alors même qu’on ne dit pas grand chose. C’est très fatigant en fait. C’est ça votre générosité et votre conscience professionnelle. C’est grâce à cela que vous pourrez faire, parfois, des suggestions meilleures que celles du groupe, parce que de l’extérieur, vous aurez vu en candide impliqué, ce que ne voient pas les participants, trop pris par leurs paradigmes (voir à ce sujet : « Le poids des habitudes »)

Formez-vous plutôt au coaching d’équipe

Devenir coach d’équipe, est un choix structurant, une décision sérieuse, qu’il faut bien préparer en se formant dans la bonne école de coaching. A notre avis, il faut d’abord que la formation soit  bien cohérente : le coaching d’équipe étant par définition une intervention systémique, il faut que la formation soit experte en systémie appliquée (eh oui, la théorie c’est bien, mais elle a surtout sa place dans les livres ! Ce qui vous importe à vous c’est de pouvoir vous en imprégner suffisamment, en avoir l’expérience et en goûter la saveur, pour pouvoir en mettre en œuvre avec agilité l’esprit et les méthodes). Notre approche du coaching d’équipe repose sur cette philosophie de l’accompagnement, pour optimiser la justesse des dispositifs proposés au client et leur impact positif auprès de son système.

Nous partagerons avec vous les compétences clés à mettre en œuvre à chacune des 4 étapes d’un coaching d’équipe réussi, par le biais :

Coacher un groupe, coacher un système, c’est autre chose que de simplement « animer » un séminaire ! On pourrait croire que coacher un groupe consiste à aligner quelques trucs de consultants en teambuilding : un warm-up, une séquence de travail en sous-groupe, un jeu, et hop, le tour serait joué !… Faîtes donc ça, si vous ne craignez pas d’être un imposteur ? (voir à ce sujet : « Différence entre coach et consultant« ) Mais ce serait manquer à la fois de métier et de perspicacité de croire que ce sera efficace ! Il suffirait dans ce cas pour réussir le coaching d’une équipe technique : d’être un bon formateur et/ou un bon animateur, capable de conduire à peu près un débat et de débriefer un jeu de rôle. Mais on est loin du compte avec ça !

Pour réussir le coaching d’une équipe technique : il faut bien sûr savoir “animer” un groupe (c’est-à-dire faciliter ses séquences de travail pour qu’il soit encore plus efficace que d’ordinaire), mais c’est d’abord du coaching ! Il faut donc surtout savoir conforter et déstabiliser, offrir un miroir décapant au bon moment, qui fasse vraiment bouger les lignes  … Ensemble, nous allons travailler sur vos appuis. Il en faut pour faire face à un groupe, alors que vous n’avez rien d’autre à leur offrir que de les mettre au travail…

  • dates et tarifs de la formation au coaching d’équipe
  • Connaitre le programme détaillé des 4 modules de formation

Paul Devaux

Coach professionnel

Depuis 25 ans, Paul pratique le Coaching professionnel en entreprise, dans une approche systémique. Accrédité à la Société Française de Coaching en 2008, il est également formateur et superviseur de Coachs depuis 2010. Egalement fondateur d'une école de coaching (voir NRGY-trainig.fr).

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